Promenade en compagnie de Stéphanie Lafitte, conteuse

Conter la nature,
cueillir des histoires comme des noisettes et des coquillages,
vivre de contes et d'eau vive,
marcher sur la terre, sous le ciel,
rêver, glaner...

lundi 23 février 2009

L'atelier conte

Presque 10 ans que l'atelier existe:
"un atelier sur l'art du conte...initiation à la pratique du conteur"; au départ une demande m'est faite d'animer des stages d'initiation au Conte, dans le cadre d'une école de...théâtre, j'ai hésité, essayé, j'y ai pris goût! Depuis je cultive le plaisir de partager ces fameuses glannes trouvées sur mon petit chemin de conteuse toujours "en herbe"...même si ça commence à faire un beau paquet d'années que je fréquente ce chemin-là!
Et c'est fou ce que ça fait du bien d'entendre les questions des autres, les "plus verts" qui viennent à la découverte, parfois juste attirés par la lumière. Au détour des années, souvent les mêmes intérogations:"c'est quoi la différence entre un conte et une histoire?", "mais alors, il faut pas apprendre par coeur?" "et si on se perd?" "c'est mieux de pas bouger pour attraper l'histoire?" "mais si je joue les personnages, alors c'est du théâtre, non?"...on en parle, et puis on s'essaie, et c'est fichtrement émouvant la première fois qu'une histoire se risque sur des lèvres, et qu'on ne sait pas encore si elle va tenir jusqu'au bout dans cette bouche-là!
Et aussi, l'atelier est un espace de rencontre entre ceux, celles qui aiment les histoires et ont envie de s'essayer à les raconter, juste ça! pas une énième chapelle ou une "bonne parole" nous attend, pas un espace "réservé à...(aux professionels, ou aux amateurs, aux débutants ou aux expérimentés, aux jeunes conteurs, aux bénévoles des bibliothèque, ou aux....). Parce que je pense, et c' est encore plus vrai en ces temps de grand froid, qu'il est plus important de se rencontrer avec ce qui peut nous réunir plutot que de se guetter du coin de l'oeil et de continuer à construire des boites et des barrières.
A part ça, il y a d'autres espaces de formation pour ceux qui veulent travailler davantage et explorer plus loin, et c'est drôlement bien qu'ils existent!
L'atelier conte de "Caliconte" se passe à Pessac, chaque jeudi soir à partir de 19h30, on peut venir voir chaque premier jeudi du mois...et se renseigner plus avant (05 57 96 95 83)
L'atelier est co-animé maintenant par Josiane Millot et Sophie Pérès, conteuses complices au long cours.

lundi 16 février 2009

"le voyage de la parole"

Avant d'être dite, la parole se forme dans le corps. Comme tous les organes, elle est constituée d'eau, de terre, d'air et de feu. Elle a en plus une matière qui n'appartient qu'à elle, une matière douce qu'on pourrait comparer à de l'huile. C'est l'huile qui donne à la parole son charme puissant, sa façon de plaire, d'attirer l'attention de celui qui l'entend. Cette huile se prend dans le sang de celui qui va la prononcer. L'eau se trouve dans le foie, le feu dans son coeur ou la parole bout et s'évapore. A ce stade, elle est silencieuse. Devenue air, elle passe dans les poumons et monte vers la gorge. C'est là qu'elle prend ses sons.
Elle arrive dans la bouche qui la tisse comme le tisserand tisse les fils pour en faire une étoffe. Car la parole franchit la luette comme le fil s'enroule autour de la poulie. Là, elle est prise par la langue qui avance et recule comme la navette que le tisserand sans cesse glisse entre les fils. Elle est filtrée par les dents comme le tissu est serré par le peigne du métier à tisser. Elle sort de la bouche, sonore et chargée de sens, et entre en spirale dans l'oreille de celui qui l'entend.
Là, elle redevient eau et coule dans tout le corps de celui qui écoute. Elle contient toujours feu, air et terre. Le feu qu'elle transporte, s'il est abondant, est celui de la colère et elle provoque la dispute. S'il est en quantité raisonnable, il donne sa chaleur. Si on trouve une parole chaleureuse, ce n'est pas par hasard!
Quand il y a trop d'air en elle, la parole s'évanouit, comme un parfum s'évapore, et c'est un mot, une phrase sans importance. Plus la terre qui est en elle est lourde, plus elle lui donne son poids, elle la rend convaincante."
(La Mythologie Dogon, par Claude Helft, actes Sud junior)